Depuis un peu plus de deux ans, nous vivons une forte mutation dans le monde de la mode. La pandémie a considérablement bousculé nos habitudes de consommation et sociales (moins de sorties, plus de télétravail). Cela a modifié également notre façon de nous habiller. Le changement climatique fait aujourd’hui partie des préoccupations majeures de la population. Il instaure aussi une forme d’urgence dans notre remise en question. Les consommateurs aspirent à des marques plus engagées, qui proposent une mode plus écologique. C’est clair, il faut changer sa façon de concevoir, de développer, de produire. De nos jours, il existe de plus en plus d’outils innovants, tels que la technologie 3D pour contribuer à une mode plus durable et responsable.
1. 📜 La RSE & cie : ou comment les lois poussent les marques à changer
Pour commencer rappelons rapidement les enjeux de la RSE. La RSE a pour but de mettre en place une vision stratégique avec un engagement fort dans le développement durable, humain et matériel. Il ne s’agit pas d’une certification, mais bien d’une démarche volontaire de la part de l’entreprise. La RSE s’adresse à tous les types d’entreprises, quelle que soit leur taille, leur statut ou leur secteur d’activité.
Même si elle n’est pas obligatoire, la RSE répond aux exigences et aux enjeux de la transition écologique. À cela s’ajoutent deux lois assez récentes, qui contraignent le secteur de la mode à repenser le circuit du produit :
- La loi Anti-Gaspillage pour l’Économie Circulaire (AGEC), entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Pour l’industrie de la mode, cette loi signifie qu’il n’est plus possible de détruire les invendus. Cela incite les marques, importateurs, et les distributeurs à revaloriser le stock restant. Ils peuvent réaliser cela via le don, le réemploi, la réutilisation ou le recyclage. Avec ces nouvelles mesures, les marques sont encouragées à fabriquer et à produire autrement.
- La loi climat et résilience a vu le jour le 22 août 2021. Elle a pour but de pousser à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030. Cette loi implique la création d’une étiquette environnementale (type nutri-score sur nos emballages). Celle-ci informera les consommateurs sur l’impact, en particulier sur le climat, des produits et services qu’ils achètent. Ces étiquettes seront obligatoires pour les vêtements.
À ce jour, cette loi est en phase d’expérimentation et n’a pas été rendue obligatoire pour le secteur du textile. Néanmoins, il est primordial pour les marques de commencer dès maintenant à réduire leur impact carbone sur tout le circuit du produit.
2. Le consom’acteur: ou quand le consommateur pousse notre modèle économique à évoluer🛍️
Depuis 2017 l’ADEME (l’agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) questionne les consommateurs français sur leurs préoccupations. En 2021, l’urgence climatique faisait partie des préoccupations majeures. Et pour se rendre compte, voici quelques chiffres pour mieux comprendre les attentes des français :
- 56% des consommateurs affirment qu’il est urgent d’agir pour l’avenir de la planète. Pour 14% d’entre eux, il est déjà trop tard.
- 72% des français ont modifié leurs habitudes d’achat pour se tourner vers une consommation plus responsable.
- Les achats de seconde main ont augmenté de 140% entre 2019 et 2021 (grâce à Vinted notamment).
- 80% des français veulent voir des preuves d’engagement de la part des marques.
- Près de 70% des français déclarent accorder de l’importance aux lieux et conditions de fabrication des vêtements.
Le consommateur intègre de plus en plus dans son quotidien les 4R : Réutiliser, Recycler, Repenser et Réduire. Il a réussi à pousser les marques à suivre le mouvement. La seconde main, le don, l’upcycling sont des alternatives très courantes aujourd’hui. On recycle également des matières comme le polyester pour le réintroduire dans de nouveaux modèles. Même le secteur du bâtiment s’y est mis en utilisant du textile recyclé pour fabriquer des isolants !
Ce n’est pas une situation pérenne pour la stratégie d’une marque : vendre à perte ou donner pour recycler n’est pas rentable. C’est une preuve qu’il y a un surplus et donc une mauvaise gestion du stock. Pour qu’une marque puisse être en phase avec les demandes du consommateur et que la transition écologique soit réelle, il est impératif de Repenser et Réduire.
Pour rappel le monde de la mode fait partie des top 5 pollueurs de la planète. On sait notamment que :
- 1 européen va acheter en moyenne 26kg de vêtements par an pour en jeter 11kg
- On va avoir besoin de 2700L d’eau pour 1 t-shirt en 100% coton; soit 2,5 ans d’eau potable pour une personne (1,5L/jour)
- 20% de la pollution mondiale en eau potable est due aux teintures et finitions sur les tissus
- 10% des émissions mondiales de CO2 sont générées par l’industrie de la mode, soit plus que l’ensemble du transport aérien et maritime réunis.
Heureusement des changements sont possibles, et à tous les niveaux du cycle de vie du produit. Si l’on arrive à repenser l’organisation à chaque étape, nous pouvons à terme créer un cycle vertueux. Alors comment les nouvelles technologies peuvent-elles contribuer à réduire l’impact carbone dans la création d’une collection ? Décryptons chaque étape du cycle de produit.
La création 🎨
👙 Les bureaux de tendances nouvelle génération
Il existe aujourd’hui des logiciels en Intelligence artificielle, dédiés à faire de la veille sur des millions d’images regardées par la population. Le principe est très simple : les marques n’ont qu’à déterminer leur cible puis analyser ce que leurs clients recherchent/regardent sur Instagram, chez leurs concurrents ou pendant les défilés par exemple, via la bibliothèque proposée par le logiciel. Cela permet au studio d’anticiper les attentes pour la prochaine collection, au niveau des formes, des couleurs, des imprimés. L’objectif est d’aider à comprendre les besoins du client avant qu’il ne l’exprime, et de cibler ainsi la bonne tendance.
🧵 Le sourcing matière 2.0
Certains fournisseurs matières ont fait la démarche de digitaliser leurs catalogues de tissus. Vous y retrouvez les mêmes informations que si vous aviez le tissu en réel : certificats (Oeko-Tex, GOTS, EcoCert), prix, etc. Il vous suffit de télécharger la matière compatible avec votre logiciel 3D et de l’essayer directement sur votre modèle pour voir le rendu. Vous pouvez également le faire avec des robrack, en scannant simplement l’échantillon que vous voulez tester. Pour en savoir plus sur le sujet, consultez notre article sur les matières digitales.
Cela permet aux stylistes de mieux se projeter et d’éviter ainsi de lancer plusieurs prototypes pour ne valider qu’un tissu. Vous pouvez également par ce biais travailler sur d’autres variantes couleurs/motifs et pousser la réflexion de la conception.
Il faut savoir que lorsqu’on achète des coupes types, nous avons généralement un rouleau d’environ 12kg soit 30m. Si l’on envoie ce rouleau de l’Italie vers la France, on dépense 10.5kg de CO² juste pour le transport (donc sans compter les teintures, les finitions etc). Avec la 3D vous ne générez que 50 à 90g de CO² pour un scan avec les maps de base et jusqu’à 1kg avec les propriétés physiques intégrées. L’empreinte carbone est donc considérablement réduite !
Passons maintenant à la deuxième étape de cycle de vie du produit : le développement.
Le développement 👕
🧥 Les prototypes de technologie 3D (peut-être l’étape à laquelle où on réduire le plus son impact carbone).
Le bilan carbone d’un développement de modèle peut monter très vite entre le transport, les différents prototypes, les teintures etc. Travailler avec la 3D vous permet d’affiner le modèle de façon virtuelle, sans pour autant limiter votre créativité : en quelques clics vous pouvez tester votre modèle, réajuster votre patron, vérifier le style, le bien-aller… Vous réduisez ainsi de façon considérable le nombre de prototypes.
Bien sûr, travailler avec la 3D demande un véritable changement d’état d’esprit. Aujourd’hui en collection, les équipes travaillent principalement en silo et avec une hiérarchie (le studio en premier, ensuite le développement…). La 3D incite davantage à travailler en mode collaboratif et transverse. Cela n’est pas du tout dans la culture de la mode. Pourtant ce nouveau fonctionnement pourrait ouvrir à de nouvelles opportunités.
Il existe des logiciels permettant de calculer l’empreinte carbone du cycle de vie d’un vêtement de la fibre à sa mise en boutique. Cela sera très utile quand il sera obligatoire de mentionner l’éco-score du vêtement.
La production 🧵
📏 Vérification du bien-aller avec la technologie 3D
La production est étroitement liée avec le retail. Dans l’un de mes webinars sur les enjeux de la 3D, j’expliquais que 30% des retours sont liés à un problème de taillant. Et c’est un problème particulièrement couteux pour les marques (entre les retours, les remboursements, échanges etc). L’idéal est donc de s’assurer en amont que le bien aller est en phase avec la morphologie de la clientèle, avant de produire en série.
Voici un exemple. J’ai ici 3 tailles : 36, 40 et 46. On constate sur le visuel que la taille 46 est assez serrée au niveau des hanches et que le bas de la robe n’a pas été correctement gradé.
Ce type de problèmes de gradation peut passer inaperçu entre le 34 et le 42 grâce à l’aisance, en revanche sur les tailles un peu plus éloignées de la taille de base, l’article ne conviendra pas. Grâce à la 3D, on peut modifier le patron puis vérifier à nouveau le bien-aller sur nos avatars série taille.
Sur cette nouvelle version, on peut constater que le modèle est bien ajusté et que la pression de la matière est homogène sur toutes les tailles. À partir de là, on peut lancer en production.
Au-delà de la rapidité de cette technique, dans la réalité la vérification est encore plus compliquée à prévoir car il est rare d’avoir des mannequins cabine toutes tailles.
🧩 Le placement en production
Certains éditeurs de CAO ont vraiment optimisé leurs logiciels de placements grâce à des algorithmes et peuvent automatiser le placement du tissu avec une efficience très forte. Ces logiciels permettent également de calculer la consommation matière en un clic et ainsi évaluer la consommation d’une production très en amont.
N’oublions pas que la qualité du montage va permettre de rallonger la vie du vêtement.
Le transport 🚚
Même si celui-ci peut difficilement être compensé par des outils digitaux, le transport touche toutes les étapes du circuit produit. De petits engagements très simples peuvent vous permettre de réduire votre empreinte carbone.
- Un emballage eco-friendly : Arrêtez les housses en plastique, et utilisez des housses biodégradables et compostables, à l’amidon de maïs par exemple.
- Réduisez le vide dans les cartons : L’air pèse en transport !
- Gardez en tête qu’avec la 3D vous réduisez fatalement les allers-retours des tissus, matières, prototypes etc. Et pour finir de vous convaincre voici un petit comparatif du bilan carbone par type de transport :
- Air : 500 g CO² émis / km effectué / tonne
- Mer : 10-40 g émis / km effectué / tonne
- Route : 60-150 g CO² émis / km effectué / tonne
- Rail : 30-100 g CO² émis / km effectué / tonne.
Et si la 3D n’a pas encore été intégrée dans votre entreprise, rappelons que l’idéal reste bien sûr de se rapprocher des fournisseurs et des usines avec lesquels on produit et de relocaliser au maximum !
Le retail 🛍️
🛒 Le visual merchandising
De nombreuses solutions de visual merch existent aujourd’hui et vous permettent d’intégrer des modèles 3D, afin de visualiser les articles et optimiser leur mise en vente pendant tout leur cycle de vie en boutique. Cela vous évite d’utiliser des prototypes à tout-va et de mettre en place des boutiques écoles qui sont très chronophages et qui sont dépendantes des prototypes physiques. Ces solutions permettent aussi de visionner le chiffre d’affaires et les quantités prévisionnelles dès le début de la collection.
📊 La data pour un meilleur fitting
Pour éviter les retours qui, comme nous le disions plus haut, sont dus à un problème de taillant dans 30% des cas, il peut sembler pertinent de chercher à mieux connaître ses clients ou de les aider pendant l’essayage. Pour cela les boutiques peuvent avoir un rôle important à jouer.
- Dans le recueil des données via le scan du corps d’une part : réunir les mensurations de ses clients pour obtenir une base de données plus précise sur le profil de ses acheteurs peut aider la production dans la conception de ses modèles.
- Dans le conseil à la vente : avec la 3D, les clients peuvent se projeter au moment des essayages grâce à la réalité augmentée par exemple. Cela peut prendre la forme de miroirs connectés, d’avatars personnalisés etc..
Comme nous avons pu le voir, les nouvelles technologies s’intègrent parfaitement à toutes les étapes du cycle de vie du produit. Elles permettent de repenser profondément notre façon de créer, produire, développer, transporter et vendre nos collections. L’adoption de ces outils 2.0 nécessite une vraie conduite du changement, une mutation profonde des mentalités et de notre façon de travailler. C’est pourtant une nécessité pour atteindre le cercle vertueux dont nous parlions au début de cet article.
Si nous arrivons à réduire l’impact carbone à de chaque étape du circuit du produit, l’ambition de d’atteindre les – 40 % d’effet de serre est atteignable.
En résumé sur la technologie 3D pour la mode
- Intégrer les 4R: Recycler, Réutiliser, Repenser et Réduire dans le circuit du produit et ce dès la conception
- Repenser et intégrer des outils comme la 3D et autres pour vous aider à réduire l’impact carbone et la consommation d‘eau
- 2030 c’est demain, où nous sommes censés avoir un circuit du produit opérationnel et qui émet -40% de CO².
- Repenser, modifier un circuit du produit ne se fait pas en une saison. C’est une transformation qui nécessite d’accompagner toutes les équipes et cela prend du temps.
Si vous souhaitez plus d’informations ou simplement discuter de vos projets de digitalisation, n’hésitez pas à contacter Alexandra par mail : alexandra.buor@fit-retail.com ou via LinkedIn.
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