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Comprendre les tissus digitaux et leurs propriétés physiques

Dans l’univers du textile en constante évolution, une révolution profondément transformative est à l’œuvre. Alors que la technologie a depuis longtemps transcendé les limites traditionnelles de l’industrie textile, elle atteint aujourd’hui de nouveaux sommets en fusionnant le monde matériel avec le virtuel. La matière constitue 80% d’un vêtement et il est primordial de bien comprendre toute la technicité autour de la digitalisation des matériaux, pour mieux appréhender l’avenir de la mode qui se dessine devant nous. Cet article vous plonge au cœur de la métamorphose de la matière physique vers son jumeau digital (tissus digitaux) afin de mieux comprendre son importance dans l’écosystème de la 3D.

Le tissu digital, kezako ?

Un tissu digital est tout simplement le jumeau virtuel d’un tissu physique, que nous pouvons utiliser dans les logiciels 3D. Si nous transposons un robrack de tissu versus un fichier de tissu digital nous retrouverons deux informations identiques :

1. Le visuel de la matière (les couleurs, les finitions, la transparence…)

2. Ses propriétés physiques (sa composition, son poids, le tomber, son élasticité, …)

Bien que nous ne puissions pas toucher un tissu digital, grâce à ces informations, nous obtiendrons un visuel et un comportement de la matière proche du réel.

 

 

 

On trouvera une matière digitale sous plusieurs formats de fichier possible comme U3M, SBAR, ou Zfab : tout dépendra du logiciel 3D utilisé. Voyons donc un peu ensemble comment se composent ces fichiers de matières digitales.

Le visuel de la matière

Pour la partie visuelle, imaginez que votre matière digitale ressemble à une mille-feuille. Pour obtenir votre pâtisserie avec du relief, des ombres et des nuances, vous avez besoin de plusieurs couches d’ingrédients.

Tel un mille-feuille, le visuel sera composé de plusieurs couches qu’on appelle dans le jargon 3D ‘des maps’. C’est en mettant vos couches les unes au-dessus des autres que vous obtiendrez votre visuel, en l’occurrence ici, votre matière. On pourra les retrouver sous format .png ou .jpeg. Découvrons les différentes maps de notre mille-feuille…oups ! de notre matière digitale :

 

 

  • La diffuse/color map – est liée à la couleur. C’est sur cette couche que l’on va placer les imprimés ou modifier les coloris. C’est la photo à plat de la matière.
  • La normal map ou la Bump map – définit l’angle du reflet de la lumière sur le tissu. Cette couche donne de la profondeur et de la texture à la matière, et permet de voir ‘les bosses’ de la matière.
  • La Displacement map – va approfondir les détails de la structure de la normal map, elle donne le volume. Elle sert beaucoup dans les composants. Par exemple pour un patch, une boucle, ou une broderie…
  • La normal map + displacement map – fonctionnent en général ensemble et sont complémentaires.
  • La roughness map – indique la dispersion de la lumière sur la matière. Elle donne l’effet rugueux ou soyeux. Plus la matière est rugueuse, moins on a de brillant sur la matière.
  • La specular map ou glossy map – elle définit la réverbération, l’intensité de la lumière sur la matière. Pour avoir du vinyle par exemple, on pousse une grande valeur sur cette couche.

Il est important de jouer avec la Specular et Roughness ensemble généralement pour obtenir de vrais résultats, ces deux couches sont interdépendantes. Sur l’exemple nous avons une maille qui a plutôt tendance à absorber la lumière, donc sans réverbération, c’est pourquoi la specular est opaque.

 

 

Enfin, vous avez deux autres maps qui ne sont pas utilisées systématiquement (cela va dépendre de la matière) :

  • La metalness map – montre le reflet de la lumière avec l’aspect métal. Ce que l’on voit en blanc correspond à un effet métallisé sur la matière.
  • L’Alpha map – montre la transparence de la matière. Cette map fonctionne un peu comme les png. Ce que l’on voit en noir correspond à la partie transparente.

 

 

 

 

Voici un exemple récapitulatif concernant les interdépendances entre la roughness, la specular et metalness :

 

 

Comment créer les maps ?

En fonction de votre organisation et de vos besoins, il existe plusieurs façons de générer le visuel 3D d’une matière :

  1. Des plateformes type marketplace
  2. Vos fournisseurs
  3. Un centre de service de scan 3D
  4. En interne

 

Via les marketplaces

Si vous souhaitez commencer rapidement, il existe des plateformes type marketplaces qui proposent des fichiers compatibles avec la 3D. Certaines auront une meilleure compatibilité avec un éditeur spécifique, comme Swatchon pour CLO par exemple. Il sera alors possible de télécharger la matière en format SBAR (Substance) pour utiliser les tissus sur d’autres logiciels 3D. Vous avez également Swatchbook, DMIx Cloud, ou Material exchange qui eux sont compatibles avec la majorité des éditeurs 3D sur le marché.

Ces plateformes permettent également de contacter en direct les fournisseurs, de consulter leurs catalogues, de télécharger la matière pour effectuer des essais dans votre logiciel 3D, et de commander des robracks ou des métrages pour votre prototype final.

Grâce à cela vous pouvez échanger plus facilement avec votre fournisseur, essayer de nouvelles matières sur un modèle, développer ainsi de nouveaux coloris sans demander des développements à tout va à vos fournisseurs.

 

 

Via vos fournisseurs

Les fournisseurs de matières et composants sont aussi en pleine transformation digitale. Bien qu’ils soient conscients qu’il sera nécessaire de transformer l’entièreté de leurs collections, ils avancent timidement en fonction des demandes de leurs clients. N’hésitez donc pas à les solliciter pour leur montrer votre intérêt.

Via un centre de service de scan 3D

Si vous souhaitez externaliser les scans des matières, vous pouvez solliciter les services d’un centre de scan 3D. Les éditeurs proposent de scanner vos matières et d’analyser les propriétés physiques. Tout dépend de votre situation géographique, mais les tissus sont en général envoyés en Asie, ce qui est coûteux, avec un certain délai et cela n’est pas du tout écoresponsable. Des centres de scan 3D ont depuis fleuris en France et en Europe, ce qui raccourci les délais, la distance et les coûts. J’encourage à utiliser ce service dans les débuts d’une implémentation, ou lorsqu’il n’y pas beaucoup de matières à scanner par saison.

En interne

Si vous souhaitez développer votre collection sans passer par des plateformes et créer votre propre bibliothèque de matières digitales, il sera nécessaire d’investir dans un scan et de réaliser les propriétés physiques (que nous verrons en détails tout à l’heure).

Pour commencer, voici 3 modèles de scans principaux dédiés à la 3D.

 

Ces machines permettent de scanner le tissu sous plusieurs angles, à la lumière, afin de générer les maps (texture, normal…). L’achat d’un scan demande un certain investissement, car il sera nécessaire d’utilise un logiciel en complément pour générer les maps. Grâce à eux, vous pourrez ainsi récupérer la texture de vos tissus et constituer votre bibliothèque. Il manquera les propriétés physiques qui pourront être ajoutées par la suite. Nous en parlerons un peu plus tard.

Pour un rendu strictement visuel il existe également des logiciels qui permettent une très grande créativité comme Substance 3D chez Adobe. Attention, néanmoins car on est très vite tenté de modifier les propriétés et de quitter la réalité, soit ne plus être en phase avec ce qu’on trouve chez les fournisseurs de matières. Cela peut en revanche être très intéressant pour obtenir un rendu final bluffant.

 

 

Maintenant que vous savez à quoi correspondent les maps, voici comment elles apparaissent dans un logiciel 3D. Comment cela fonctionne ? Vous n’avez qu’à simplement importer votre fichier dans le logiciel par importation ou via un cliquer-déposer.

 

 

Les propriétés physiques

Les propriétés physiques renseignent les informations comportementales de la matière.

Pour bien définir le comportement de la matière on va avoir des informations comme :

Les infos standards

  • Le poids (density)
  • L’épaisseur (Thickness)
  • La composition

Les réactions

  • L’élasticité/ Traction (Tensile)
  • La torsion (Shearing) rigidité
  • La friction

Les comportements

  • La rigidité (Bending = Détermination de la raideur/ rigidité de la matière)
  • La nervosité de la matière
  • Le drapé

Pour obtenir ces informations, il y a plusieurs approches possibles :

  • Via l’éditeur qui va effectuer ses tests en interne
  • Via un laboratoire en prestation de service (comme le propose VVC par exemple)
  • Via le kit d’analyse de l’éditeur comme chez CLO,  Browzwear, ou Style3D par exemple, qui sera mis en place en interne.

A ce jour, les éditeurs proposent leurs propres outils pour enregistrer les propriétés physiques, mais aucun ne suit une norme. Les laboratoires testent les matières sous les normes ISO autant que possible, quand le logiciel 3D le permet.

Espérons que dans un avenir proche les éditeurs aborderont une discussion transparente et se référeront à des tests ISO pour obtenir des données plus homogènes, et pouvant être effectués de n’importe où.

Si toutes ces informations de votre matière sont bien remplies (que ce soit visuel ou physique) vous serez au plus proche du réel. En scannant sous haute définition et en prenant le temps de vérifier la mise au rapport de la matière (une répétition homogène), vous obtiendrez des photos avec des rendus réalistes qui seront par la suite exploitables pour vos visuels destinés pour le marketing, et le e-commerce.

Il y aussi un autre aspect qui est plus technique et primordial dans le développement d’une collection : les essayages. Si les propriétés physiques sont identiques à la matière réelle, vous aurez la possibilité d’effectuer vos essayages sur vos avatars et d’ajuster en instantané votre patron avec la bonne matière. Une belle opportunité pour réduire le nombre de prototypes lors de vos développements de collection.

Maintenant que vous en savez plus sur les matières digitales, il ne vous reste plus qu’à vous lancer !

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