L’urgence écologique, l’évolution des comportements d’achat, l’intensité concurrentielle, la pandémie du Covid 19 rendent l’innovation nécessaire. Si la technologie 3D a démontré toute sa puissance pour répondre à de nombreux enjeux (écologique, économique, marketing…), son usage peine à se démocratiser dans le secteur de la mode et du luxe. Au travers de cet article, explorons ensemble quelques pistes de réflexion concernant la conception virtuelle 3D.
La conception visuelle 3D, au service de l’ensemble du cycle de vie produit
La technologie 3D est communément assimilée à l’animation virtuelle (comme les défilés) et à la production de visuels pour le marketing et la communication (représentation de produit pour la publicité par exemple). Pourtant, son utilisation va bien au-delà. En effet la 3D sert de nombreux enjeux : améliorer la productivité, maîtriser ses coûts en réduisant les problèmes de qualité et de défaillance produits, explorer plus d’alternatives de conception, accélérer le développement produit et réduire le time-to-market … Autant d’avantages étroitement liés à l’utilisation de la 3D.
Comment la technologie de modélisation 3D rend possible l’optimisation du développement produit ?
L’asset 3D trouve sa légitimité à chaque étape de la conception et du développement produit :
1- Conception : Le styliste définit la tendance de collection, dessine les styles, trouve des inspirations (coloris, motifs, matières…). Et, le tout dans un temps imparti minimum. La visualisation des croquis 2D en 3D libère leurs créativités. En quelques clics, le croquis prend vie permettant de jouer avec les matières, les volumes, les coloris… Cette modélisation des croquis induit une grande stimulation visuelle et donc accélère le processus créatif.
Les designers subissent une pression importante : ils doivent être créatifs en peu de temps. Un logiciel 3D permet d’augmenter la créativité et enlève certaines barrières. Visualiser son avatar et jouer avec des drapés sans devoir faire de moulages physiques, tester ses formes avant de parler avec le modéliste en créant de prototypes sans engendrer des coûts supplémentaires… Les logiciels 3D ont de réels atouts pour optimiser la création d’un produit. Alexandra BUOR, Responsable de l’offre Design.
2- Développement : Créer des prototypes n’a jamais été aussi rapide. Le prototypage virtuel n’engendre aucune commande de matière, zéro temps de production et aucun délai de livraison. La réalisation se fait sur place depuis le logiciel 3D provoquant de facto une économie de temps, d’argent et une réduction de l’empreinte carbone émise par l’entreprise.
Par la suite, diffusez ce même prototype virtuel en interne ou externe pour présenter et valider la collection finale : Turntable, showroom digitalisé, défilé virtuel, essayage virtuel, etc…
L’ensemble des ajustements (coloris, matière, style…) se fait en temps réel rendant possible la visualisation du modèle final. La technologie accélère les processus de prise de décision et de nouvelles économies (coûts des buying sessions, de la production de nouveaux prototypes…).
3- Production : Une fois, le salesman (physique ou virtuel, selon l’engagement digital de l’entreprise) validé, la commande est passée à l’entité de production. L’utilisation de modèles virtuels permet d’éviter les problématiques de bien-allers, de fitting et contribue à la bonne compréhension des besoins avec les tiers extérieurs (réduction de problèmes de montage/look).
4- Publication : De manière simultanée ou juste avant l’étape de production, le modèle 3D est réutilisable pour d’autres usages : défilé virtuel pour présenter la collection aux clients, utilisation en ligne pour la publicité et les précommandes, essayage virtuel pour les clients, etc.
On réalise ainsi de nombreuses économies. De plus, publier son produit en ligne avant le démarrage de la production facilite l’ajustement des quantités à produire et donc la baisse des stocks et invendus.
5- Vente et e-commerce : Les visuels crées en 3D sont réutilisables sur les sites e-commerce. Cela permet aux clients de visualiser le produit dans le détail (sans avoir la nécessité de réaliser un shooting photo). Certaines entreprises rendent possibles les personnalisations des produits en ligne et proposent l’essayage virtuel sur un avatar à notre image. On comble ainsi les exigences.
Pour résumé, l’utilisation de la 3D a de nombreux avantages. La technologie permet aujourd’hui de représenter de manière réaliste le produit. On arrive à s’imaginer le produit et à y voir ses défauts en le transposant sur des mannequins virtuels.
Les stylistes peuvent utiliser la 3D pour matérialiser plus précisément leur pensée, évitant ainsi des erreurs de dessin ou d’interprétation.
Quels sont les freins à l’utilisation de la 3D ?
Adapter son produit aux standards de taille de la marque, représenter de manière réaliste les proportions/volumes, jouer avec les matières et les coloris, manipuler le produit sous toutes ses coutures n’a jamais été aussi simple. Et pourtant le secteur est loin d’avoir démocratisé l’utilisation de la 3D. Certains secteurs, tel que le sportswear, se tournent plus facilement vers les nouvelles technologies. Ils ont été précurseurs dans l’utilisation de la 3D. Mais pourquoi le secteur de la mode peine à se tourner vers ce type de technologie ?
Il semble logique que le sportswear ait déjà adopté la 3D. Garder une longueur d’avance et adopter les nouvelles technologies font partie de leur ADN. Ils cherchent en permanence à innover. Alexandra BUOR, Responsable de l’offre Design.
Le frein à l’utilisation de la technologie serait donc principalement culturel ? Le secteur de la mode a longtemps centré son innovation sur le produit, plutôt que sur la partie digitale. Cet amour du produit, de la matière et cet engagement pour le savoir-faire et le touché peuvent engendrer des réticences au changement. Le digital n’est pas forcément perçu pour ses avantages, mais d’abord pour ces contraintes de temps et d’apprentissage.
Passer du crayon à l’écran pour créer semble une aberration de prime abord. Cela nécessite de sortir de sa zone de confort, réapprendre son métier et perdre en productivité dans un premier temps… Il faut un temps d’adaptation, qui est très vite oublié lorsque l’on est face aux possibilités qu’offrent les outils.
Un prototypage 100% virtuel ne me semble pas compatible avec le marché actuel. Il faudra un changement des mentalités et des habitudes de travail. Cela va se faire en douceur et par étape. Toute la question est de savoir dans combien de temps ? Jennifer FERRET, Consultante Design
Enfin, l’effort financier nécessaire à la mise en œuvre de la 3D constitue la dernière barrière identifiée. Le prix des licences, du matériel informatique, la formation des utilisateurs, la perte de productivité liée à l’apprentissage d’un nouveau processus, sont les freins principaux identifiés par les investisseurs.
Le secteur de la mode a-t-il déjà pris trop de retard par rapport à d’autres secteurs ? Comment faut-il s’y prendre afin de remonter ce retard accumulé au fil des années ? Faut-il se lancer dans la 3D ? Le passage à la 3D est un choix stratégique, pour la mettre en place, ce choix doit être porté par la direction générale de l’entreprise et totalement acceptée par les départements de conception. La mise en œuvre de la 3D est souvent vouée à un échec sans cet alignement.
Merci à Alexandra BUOR et Jennifer FERRET pour leurs contributions.